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BRUIT : Renforcer les politiques publiques contre ses effets néfastes

Des solutions existent face aux nuisances sonores du bruit et il faut les mettre en œuvre. Ma tribune publiée dans le Figaro.

«Le bruit est l’une des premières nuisances environnementales déclarées par la population, mais outre la surdité, les autres effets sanitaires qu’il entraîne sont mal connus et peu pris en compte», pouvait-on lire il y a dix ans dans un rapport de l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire. Malheureusement, peu de choses ont changé depuis.

Les sondages continuent régulièrement à placer le bruit sur le podium des trois nuisances les plus importantes dans le quotidien des Français. Dans une étude récente de l’Ifop, 70 % des Français affirment même se sentir «agressés» par le bruit à leur domicile, 83 % sur le lieu de travail et 79 % à l’école. Quant aux études scientifiques, elles démontrent chaque jour un peu plus l’impact considérable du bruit sur la santé. Ainsi, en 2018, un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a révisé le bilan de ces nuisances à la hausse, l’organisation internationale considérant désormais le bruit comme la deuxième cause de morbidité environnementale, après la pollution de l’air.

Toutefois, la situation diffère profondément entre ces deux pollutions. Pour l’air, la prise de conscience a remarquablement progressé : les politiques publiques prennent désormais en compte cette question (même si d’aucuns pourraient juger les actions encore insuffisantes). La situation s’améliore fortement avec une diminution de 90 % de certains polluants industriels depuis les années 1990, et de 30 % à 40 % en seulement dix ans pour les polluants urbains habituels.

À l’inverse, pour le bruit, la prise de conscience reste modeste, le débat dans l’espace public inaudible et les politiques publiques presque inexistantes. En fait, loin de diminuer, le bruit a même plutôt tendance à augmenter car ses sources se multiplient. C’est vrai pour les transports, avec davantage de voitures, d’avions ou de motos en circulation qu’il y a vingt ans. Ces véhicules ont en outre tendance à aller plus vite ou à être plus lourds, ce qui les rend plus bruyants. Cela tient aussi à nos villes de plus en plus denses, actives, stressées, avec des écrans et des musiques amplifiées omniprésents, et à nos rythmes de vie de plus en plus décalés ou prolongés dans la nuit.

Un adulte sur quatre touché

D’un autre côté, l’impact du bruit s’aggrave aussi dans les études parce qu’on le comprend mieux. En effet, il a longtemps été réduit à des conséquences directes sur le système auditif : perte d’audition, hyperacousie, acouphènes. Banales, celles-ci étaient négligées. Mais une nouvelle étude de l’Inserm vient de montrer l’ampleur du phénomène: les déficiences auditives toucheraient un adulte sur quatre ! Surtout, elles s’accompagnent de nombreux autres effets, dits extra-auditifs. L’exposition chronique à des niveaux de bruit même relativement faibles peut en effet générer des perturbations du sommeil ou du stress. Elle favorise, à la longue, des problèmes cardio-vasculaires, hormonaux (obésité, diabète) ou psychologiques (dépression ou troubles de l’apprentissage). Elle pourrait aussi jouer un rôle dans le développement de la maladie d’Alzheimer, voire impacter la reproduction et le développement du fœtus.

Pour toutes ces raisons, l’OMS estime que le bruit cause la perte d’environ 2 millions d’années de vie en bonne santé en Europe. Et selon une étude commandée par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’Énergie) et le Conseil national du bruit en 2021, son coût social atteint 147 milliards d’euros par an en France.

La dégradation du sommeil illustre cette situation: non seulement les Français dorment de moins en moins (en moyenne 6 h 55 par jour, soit une heure de moins qu’il y a cinquante ans), mais ils dorment de plus en plus mal. Des bruits relativement légers peuvent provoquer un retard à l’endormissement, une hausse du nombre et de la durée des éveils nocturnes, une réduction de la durée du sommeil, une diminution des sommeils profond et paradoxal… Quels bruits exactement sont responsables de ces phénomènes? La sirène d’une ambulance a-t-elle le même effet que le pot d’échappement d’une moto ou que les conversations d’une terrasse animée? Les mécanismes restent mal connus et il faut encourager la recherche sur ce thème essentiel mais négligé. Des réponses aideraient à construire des politiques publiques efficaces et à convaincre de la nécessité de les mettre en place.

Radars à bruit

Malgré tout, des outils apparaissent. Les «radars à bruit» que Bruitparif, l’observatoire du bruit en Île-de-France, que je préside, a développés permettent d’objectiver avec une grande précision les nuisances – et c’est le premier pas d’une concertation. Ils permettent également d’identifier la source du bruit, ouvrant ainsi la voie à la verbalisation des véhicules qui en seraient responsables. De nouveaux revêtements routiers montrent de leur côté une efficacité exceptionnelle: en divisant par cinq le bruit émis par le contact pneu-chaussée, ils changent la vie des gens. Les voitures ou les avions sont individuellement moins bruyants, l’isolation des fenêtres ou des cloisons a progressé considérablement, et même quelques règles simples peuvent diminuer le bruit des véhicules ou du quotidien (conduire calmement, entretenir son véhicule, ne pas modifier le pot d’échappement d’un deux-roues…).

Les solutions existent donc, et il faut les mettre en œuvre. En parallèle, il est nécessaire d’encourager la recherche pour en trouver d’autres. Mais pour cela, il faut prendre conscience du problème.

Un article d’Olivier Blond publié dans Le Figaro le 8 janvier 2023.

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